Corruption
S'il y a des moments où je sais à quoi sert l'histoire, c'est quand la politique contemporaine déraille, ou qu'elle ne fonctionne plus. Et s'il y a une chose qui semble évidente, c'est que le mal qui ronge les démocraties jusqu'à l'os, c'est la corruption. Et la corruption dans un système politique, c'est la négation du bien public, c'est passer l'intérêt individuel au-dessus de l'intérêt collectif, c'est faire de l'engagement politique un dévoiement.
Qu'un homme politique soit ambitieux, heureusement... C'est sans aucun doute un des moteurs de son engagement. Qu'il soit malin, voire retors, oui, c'est aussi un des éléments de sa réussite, mais s'enrichir ou enrichir son parti en détournant des fonds publics et privés, c'est juste une déviation dont les conséquences sont dramatiques pour la démocratie.
Que nous montre l'Histoire ? Que la corruption finit par détruire les systèmes politiques, quelqu'il soit. Que les démocraties corrompues sont la proie de toutes les attaques des extrêmes.
Les années Trente en sont un exemple. Alors que la crise économique commence à toucher la France et que les tensions internationales redeviennent une préoccupation essentielle, le gouvernement est touché par l'Affaire Stavisky. Cela donne aux ligues et aux partis d'extrême droite une raison de manifester et de demander la chute d'un régime censé donner liberté, égalité et fraternité, pour le remplacer par un totalitarisme.
Avant, lors des grandes affaires de corruption, les hommes politiques touchés étaient mis à l'écart ; parfois, leur carrière était brisée. Lors du scandale de Panama, le ministre de l'Intérieur, Émile Loubet, donne sa démission, nombre de ministres n'ont plus jamais retrouvé de postes et un des responsables, le ministre des Travaux publics Charles Baïhaut, est condamné à cinq ans de prison. Georges Clemenceau, touché par le scandale pour avoir touché de l'argent est écarté de la vie politique pour dix ans ; il ne doit son retour qu'à son engagement dans l'Affaire Dreyfus.
Mais, aujourd'hui, il semble que la proximité entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire est telle, qu'il est impossible de s'attaquer au mal. L'ancien président Chirac, mis en cause dans plusieurs affaires, échappent à la justice pendant tout son mandat et parvient à ne pas assister à son procès ; les procureurs de la république, dans leur réquisitoire, érigent même la gestion de la ville de Paris en modèle. Même le Figaro s'en indigne. De même, les comptes de la campagne de M. Balladur de 1995 ont été approuvé sans rien à redire par le Conseil constitutionnelle alors qu'aujourd'hui la justice s'interroge sur de possibles rétrocommission. Enfin, à Marseille, le président de la région, M. Guérini, est accusé de corruption, mais s'il se met en congé du Parti socialiste, il ne démissionne pas de son poste.
Que nous montre parfois l'histoire ?
Que certains concepts pourtant développés en France ne sont pas appliqués. Ainsi, la séparation des pouvoirs que Montesquieu met en avant comme élément essentiel d'un système politique vertueux.
Que la vertu érigé comme principe révolutionnaire, et qui a connu de sanguinaires dérives, reste une qualité cardinale pour le bien public, si elle est tempérée par la raison.
Qu'une république ne peut survivre longtemps à la corruption des hommes qui la dirige.
Aussi, si l'Histoire a une vertu, c'est celle d'être une médecine de la politique. Elle peut en montrer les dérives les excès et les erreurs. Aux hommes politiques d'en tenir compte dans la direction du pays.